Greffe de rein de donneur vivant avec protocole de désimmunisation : ça marche
Il est préférable de recevoir le rein d’un donneur vivant, même incompatible, plutôt que de rester sur la liste d’attente.
Depuis quelques années, des protocoles dits de “désimmunisation” permettent de réaliser des greffes même lorsque le patient est hyperimmunisé et a des anticorps anti-HLA dirigés contre son donneur (des DSA*, voir définition ci après). Ces traitements, qui consistent à filtrer le sang des receveurs pour retirer ces anticorps, sont réalisés dans les jours qui précèdent la greffe. Pour cette raison, il ne peut s’agir que de greffes programmées. Seules les greffes à partir de donneurs vivants sont donc concernées.
Il existait jusque là peu de données sur les résultats à long terme de ces greffes.
Une étude publiée le 10 mars 2016 dans le New England Journal of Medicine par l’université Johns Hopkins de Baltimore s’est intéressée à un total de 1 025 greffe de donneurs vivants sur des patients hyperimmunisés, réalisées par 22 équipes.
Le devenir après la greffe de ces 1025 patients a été comparé à plus de 5 000 autres patients, eux aussi hyperimmunisés, mais qui sont restés sur liste d’attentes en attendant un greffon provenant d’un donneur décédé compatible.
Un an après la greffe, la survie des patients ayant reçu un greffon de donneur vivant avec protocole de désimmunisation (95 %) était déjà statistiquement supérieure à celle des patients restés sur liste d’attente ou ayant reçu un greffon de donneur décédé (94 %) ou à celle des patients uniquement restés sur liste d’attente (89,6 %). Cette différence s’accentuait encore au bout de 3 ans (91,7 % contre 83,6 et 72,7 %), au bout de 5 ans (86 % contre 74,4 % et 59,2 %) au bout de 8 ans (76,5 % contre 62,9 % et 43,9 %).
Il est assez fréquent qu’un patient ait un proche qui souhaite lui donner un rein mais contre lequel il présente des anticorps.
Cette étude devrait inciter les équipes de greffe à développer ces techniques pour les proposer dans ces situations, plutôt que de contrindiquer la greffe et de recommander au patient de préférer attendre un greffon de donneur décédé.
L’intérêt de ces greffes est donc majeur, même s’il est probable que la survie globale de ces greffons restera malgré tout inférieure à celle des greffes de donneurs vivants “classiques”.
L’information des patients et leurs proches sur ces différents aspects devient donc cruciale, afin qu’ils puissent prendre leurs décisions en connaissance de cause.
Selon un article paru dans le Figaro le 18/03/2016, en France, cette technique se pratique dans neuf centres de transplantation (Grenoble, Toulouse, Saint-Étienne, Bordeaux, Strasbourg, Paris Necker, Paris Tenon, Paris Saint-Louis et Rouen). En cinq ans, une soixantaine de patients ont pu en bénéficier dans l’Hexagone.
En théorie, ils pourraient être bien plus nombreux : sur plus de 15.000 patients en attente de greffe rénale en 2015, environ 2000 étaient très difficilement greffables en raison de l’abondance d’anticorps anti-HLA.
“Cette technique offre de bons résultats mais il y a une forme d’autocensure en raison du coût. Nous ne pouvons pas le proposer à tous, regrette Lionel Rostaing, médecin en transplantation rénale au CHU de Grenoble. En outre, certains médecins sont encore réticents en raison d’incertitudes pesant sur la durée de vie finale de ces greffons a priori incompatibles ou encore sur le risque de développer un cancer en raison de l’immunosuppression, rappelle le spécialiste. Mais l’étude du New England Journal of Medicine montre que cette stratégie est efficace à moyen terme chez des patients dont l’espérance de vie est très limitée en l’absence de greffe. J’espère donc qu’elle va convaincre les décideurs de développer cette offre, quitte à utiliser une méthode de filtration plus ancienne et moins chère afin d’en faire bénéficier plus de patients.”
*Les DSA (en anglais : Donor Specific antibodies), ou anticorps anti-HLA spécifiques des déterminants antigéniques du donneur, peuvent se développer chez un futur receveur du fait de transfusions, d’une greffe antérieure ou d’une grossesse. On sait aussi depuis quelques années que ces DSA peuvent émerger spontanément, alors qu’aucune de ces trois situations n’a marqué l’histoire du receveur.
Leur présence dans le sang, au moment de la greffe, fait courir un risque nettement accru de rejet humoral, aiguë et/ou chronique qui est aujourd’hui la forme de rejet de greffe la plus fréquente et la plus difficile à traiter. leur présence altère le résultat des greffes, même si le traitement préventif du rejet est intensifié.
Au contraire, l’absence de DSA au moment de la greffe, et leur absence dans des sérums anciens (dits “historiques”) est associé à un un bien meilleur pronostic de la greffe.
Synthèse réalisée par Yvanie Caillé et le Dr Frank Martinez
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