Décret du 11 novembre : sacrifice des travailleurs vulnérables et mépris pour la démocratie en santé
✅ Une fois encore, la démocratie en santé est bafouée durant cette crise, et les travailleurs les plus vulnérables, à risque de forme grave de Covid19, risquent de le payer cher.
Renaloo est mobilisé depuis le tout début de la crise sur l'indispensable protection des travailleurs à risque de forme grave de Covid19 et des proches vivant sous le même toit qu'une personne vulnérable. Un feuilleton qui a d'ores et déjà comporté de nombreux épisodes(1).
✅ Nous dénonçons tout d'abord un simulacre de concertation
Alors que nous l'attendions depuis le 16 octobre, le projet de décret n'a été communiqué à France Assos Santé que le 10 novembre, sans information sur les délais impartis pour sa relecture. Nous avons avec effroi constaté sa publication le 11/11 au matin.
✅ Une liste des pathologies à risque arbitraire, incohérente avec l’avis du HCSP du 29 octobre.
Certaines des pathologies identifiées par le HCSP comme étant les plus à risque de forme grave sont même absentes du décret.
➡️ C'est le cas notamment de l’insuffisance rénale chronique(2), qui pourtant fait partie selon le HCSP des pathologies entrainant le sur-risque significatif le plus élevé (HR >5 au stade 5) et figure en quatrième position des comorbidités retrouvées chez les patients décédés de Covid19 en France(3).
✅ Les proches cohabitant avec des personnes fragiles sont à nouveau injustement exclus des dispositifs dérogatoires.
Bien que la Direction Générale de la Santé ait demandé au HCSP de se prononcer sur l’activité professionnelle des personnes cohabitant avec les personnes à risque de forme grave de Covid19, son avis est totalement muet sur le sujet…
✅ Un texte qui n'impose pas le télétravail même s'il est possible
Selon le décret, le télétravail, bien que présenté comme l’alternative prioritaire par le HCSP, n’est pas opposable à l’employeur. S'il réunit les "critères de sécurité renforcés", il peut exiger le retour en présentiel de son salarié même si le télétravail est possible.
✅ Une opposition inconciliable entre les intérêts des employeurs et ceux des travailleurs vulnérables, qui conduira à des risques de discrimination et d’exclusion professionnelles.
A compter du 1er janvier 2021, les conditions financières du chômage partiel évoluent :
- les salariés en chômage partiel ne toucheront plus que 60% (70% actuellement) de leur rémunération brute (100% s’ils sont au Smic)(4)
- les employeurs se feront rembourser 60% de l’indemnité versée (85% actuellement). Soit un reste à charge de 40% (15% actuellement)(5)
➡️ L'employeur aura à sa charge une part croissante du chômage partiel et sera donc fortement incité à « encourager » au retour en présentiel.
➡️ Les pressions qui vont s’exercer sur les travailleurs vulnérables seront donc majeures : employeur + diminution de l'indemnisation.
➡️ Elles les conduiront à devoir faire des choix entre leur protection et leur santé d’une part, et leurs ressources et leur avenir professionnel d’autre part.
➡️ Combien de conflits naitront entre employeurs et salariés à risque qui devront assumer de dénoncer l’insuffisance de protection dont ils font l’objet ?
➡️ Combien de travailleurs seront mis à l’index et promis à un départ imminent pour avoir tenté de faire valoir leurs droits ?
✅ Un dispositif qui ne fait aucune nuance selon l’importance du risque encouru.
Pourtant, à la demande de la DGS, le HCSP définit une gradation des risques, en partie basée sur les Hazard Ratio (HR).
➡️ Une pathologie ayant un HR de 2 implique que le risque de forme grave associé est multiplié par 2.
➡️ Pour les travailleurs ayant les risques les plus élevés, dont le HR est supérieur à 3, le virus devient hautement mortel.
➡️ Ils doivent évidemment bénéficier, ainsi que leurs proches cohabitants, d’une protection adaptée, sous la forme d'un droit au chômage partiel dès lors que le télétravail n'est pas possible.
✅ Des mesures de protection insuffisantes ne correspondant pas à l'état actuel des connaissances
Le décret reprend les mesures de protection renforcées proposées par le HCSP, qui n’ont pas été modifiées depuis son avis du 19 juin.
Pourtant, depuis cette date, les connaissances sur les modes de propagation du virus ont évolué.
➡️ On sait désormais que dans un lieu clos, mal ventilé, où des personnes même éloignées les unes des autres vont cohabiter pendant des durées longues, le port du masque est insuffisant pour prévenir la contamination.
➡️ Pourtant, les « mesures de protection renforcées » font totalement l’impasse sur la nécessaire aération ou filtration de l’air, indispensables pour la limiter.
➡️ On peut aussi s'interroger sur la nature discriminatoire de "l'adaptation des horaires" des travailleurs vulnérables pour qu'ils évitent les transports aux heures de pointe, ou de leur éviction des lieux collectifs (restaurants, lieux de pause) où les conditions ne seront évidemment pas réunies pour les accueillir.
✅ Nous dénonçons ce décret scandaleux et la volonté affichée du gouvernement, qui va à l’encontre de tous les messages actuels de protection des personnes vulnérables.
Ce mauvais coup porté aux plus fragiles l’est aussi :
➡️ à tous les professionnels de santé mobilisés pour lutter contre l’épidémie.
Ils seront en effet les premiers témoins des arrivées massives à l’hôpital et en réanimation de ces personnes exposées, par la démission de l’Etat, à un virus qui pour elles est hautement dangereux voire mortel.
A moins que leur état de santé dégradé ne constitue un motif pour leur en refuser l’accès…
➡️ à celles et ceux dont l’activité professionnelle est mise à l’arrêt au motif de prévenir la saturation des hôpitaux, et qui, au regard des efforts qui leur sont demandés, sont en droit de s’interroger sur le sens du retour au travail en présentiel des personnes les plus à risque de développer des formes graves de covid19.
➡️ aux associations de patients, qui accompagnent depuis plus de neuf mois les personnes les plus vulnérables pour affronter une crise sans précédent, et qui, une fois encore, n'ont pas été entendues.
Notre constat est celui d'un échec cuisant. Le rapport de force s'avère la seule voie, largement plus efficace qu'une démocratie sanitaire qui a perdu son sens puisque constamment foulée au pied par les institutions qui devraient être ses principaux promoteurs, encore plus en période de crise.
✅ Nous attaquons immédiatement ce décret en référé auprès du Conseil d’État.
✅ Nous dénonçons son contenu, son esprit, ses modalités d’élaboration.
✅ Le gouvernement méprise ouvertement nos voix, nos associations, et le droit à la santé et à la vie des plus vulnérables d’entre nous.
✊✊✊ Nous ne nous laisserons pas faire.
✅ Pour finir, l’objectif de Renaloo n’est évidemment pas d'éloigner systématiquement de leurs lieux de travail les personnes vulnérables, dans l’attente de la mise au point d’un vaccin ou d’un traitement.
Beaucoup de nos adhérents ont du reste repris en présentiel depuis le déconfinement et ils sont nombreux à en être satisfaits.
➡️ Il s’agit de permettre à chaque personne vulnérable de vivre au mieux avec le virus et les risques individuels qu’elle encourt afin qu'elle puisse trouver, au travail, en télétravail, ou via le maintien en isolement, les conditions de sécurité et de sérénité adaptées à sa santé.
> Voir le communiqué sur le même sujet de la Ligue contre l'Obésité
(1) Nous avons obtenu de l'assurance maladie, respectivement en mars et avril, des dispositifs efficaces et opérationnels permettant de l'assurer pour les salariés vulnérables puis pour les proches vivant sous le même toit qu'une personne vulnérable.
Ils ont été remis en cause fin aout, mais nous avons pu maintenir des conditions acceptables pour les personnes en insuffisance rénale chronique, même si les conditons d'élaboration de ce décret étaient très discutables. Du reste il a été attaqué en Conseil d'Etat qui l'a suspendu le 15 octobre.
(2) Selon l’avis du HCSP du 29/10/2020, l’IRC sévère (stade 4), correspond à un HR de 2,52 et l’IRC stade 5 à un HR > 5. Aucune de ces pathologies ne figure pourtant dans la liste du décret du 11/11/2020.
(3) Analyse des décès certifiés par voie électronique avec une mention de Covid-19 dans les causes médicales de décès du 1er mars au 06 juillet 2020.
(4) Décret n° 2020-1316 du 30 octobre 2020 relatif à l'activité partielle et au dispositif d'activité partielle spécifique en cas de réduction d'activité durable
(5) Décret n° 2020-1316 du 30 octobre 2020 relatif à l'activité partielle et au dispositif d'activité partielle spécifique en cas de réduction d'activité durable